8 mars 2018
Désinformation – Migrants et allocations
Posted by Deloire Eric under Pensées ReflexionsNo Comments
Avec l’arrivée de nombreux migrants en Europe depuis 2015, un nombre tout aussi élevé d’intox circule librement sans aucune vérification. Le plus souvent, il s’agit d’accuser les migrants de venir en France pour profiter de son système d’aides, dont ils abuseraient sans vergogne.
Les publications en question affirment que la personne migrante, en cumulant les aides, serait plus avantagée, que le Français (de souche).
Afin de couper court aux arguments sans cesse repris par des personnes qui mélangent allègrement aides financières et aides humanitaires sans aucune distinction, autant le préciser d’emblée :
L’accès aux soins médicaux, à une aide alimentaire et à un logement, ne sont pas des spécificités françaises. Ce sont des droits fondamentaux auxquels tout être humain doit avoir accès dès lors qu’il se trouve sur le sol d’un des 193 pays membres des Nations-Unies !
Ces droits sont reconnus en tant que tels depuis la signature de la convention de Genève en 1951 à l’unanimité des pays présents et représentés. A partir de cette implacable donnée factuelle, si la France pense qu’elle n’a pas à les proposer à toute personne considérée comme réfugiée, ce n’est même pas de l’Europe qu’elle doit sortir, mais de l’ONU.
Quoiqu’il en soit, dès qu’on laisse se répandre des propos susceptibles de favoriser une réaction émotionnelle, le succès est immédiat et les publications sont partagées sans aucune prise de recul ou vérification préalable. Il n’est qu’à voir comment l’histoire des « cartes bancaires pour migrants » continue de se propager malgré les innombrables démentis.
Comme souvent, les faits réels n’ont rien à voir avec les fantasmes que nos petits malins aiment exhiber via les réseaux sociaux. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le site officiel de l’administration française pour s’apercevoir que les aides versées sont soumis à des conditions drastiques.
Quelle sont les aides versées aux migrants en France ?
Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés sont trois statuts différents ne recouvrant pas les mêmes droits.
Contrairement aux idées reçues véhiculées par les sites d’intox, un migrant n’a droit à AUCUNE aide quand il arrive sur le sol français. Pour percevoir une aide, le migrant doit formuler le souhait de devenir demandeur d’asile auprès des autorités compétentes. Il aura alors accès à l’ADA.
Le statut de demandeur d’asile (et l’allocation afférente) est, par définition, temporaire et ne peut perdurer au-delà de l’examen du dossier de la personne. A l’issue de cette procédure, soit le statut de réfugié est accordé, soit il est refusé.
EN RESUME :
- Un migrant sans statut n’a droit à AUCUNE aide ;
- Un demandeur d’asile a accès à l’ADA ;
- Un réfugié a accès aux mêmes aides qu’un Français (ou qu’un ressortissant Européen) ;
Migrant => Demandeur d’asile => Réfugié
- Un migrant devient demandeur d’asile dès lors qu’il en formule le souhait ;
- Le demandeur d’asile devient réfugié s’il obtient une réponse favorable après examen de son dossier ;
- En attente de l’obtention du statut de réfugié, un demandeur d’asile ne peut en aucun cas bénéficier des même aides qu’un ressortissant Français ou qu’un étranger dont la situation est en règle (ressortissant d’un pays de l’UE, par exemple) ;
- Une fois que son dossier a été examiné, soit la demande d’asile est recevable et le demandeur obtient le statut de réfugié, soit le dossier est rejeté et le demandeur doit quitter le territoire (dans le cas inverse, il devient « sans-papier » et, en conséquence, n’a plus droit à aucune aide financière) ;
Le statut de réfugié
Le statut de réfugié n’est pas spécifique à la France, c’est un statut encadré par un texte international adopté en 1951 et signé par de nombreux pays : la Convention de Genève.
D’après l’article 1A2 de la Convention de Genève, le statut de réfugié peut être accordé en France si le demandeur remplit les 3 conditions suivantes :
- Il se trouve hors de son pays d’origine (lui-même hors UE, évidemment) ;
- Il ne peut/veut pas demander la protection de son pays d’origine ;
- Il craint d’être persécuté pour l’un des motifs suivants : origine ethnique, religion, nationalité, groupe social d’appartenance, opinions politiques.
Les raisons économiques ne permettent en aucun cas d’obtenir la reconnaissance du statut de réfugié. En conséquence, le migrant à titre économique à toutes les chances de voir sa demande d’asile rejetée à l’issue de l’examen de son dossier.
Pour plus d’informations à ce sujet :
http://www.france-terre-asile.org
Les allocations
La seule et unique allocation que peuvent percevoir les demandeurs d’asile est l’ADA, née de la fusion de l’ATA et de l’AMS le 1er novembre 2015.
L’ADA
Le demandeur d’asile peut bénéficier de l’Allocation pour Demandeur d’Asile (Ada) sous certaines conditions :
- Avoir accepté les conditions matérielles d’accueil qui lui sont proposées par l’OFII ;
- Avoir au moins 18 ans ;
- Être en possession de l’attestation de demandeur d’asile ;
- Avoir des ressources mensuelles inférieures au montant du revenu de solidarité active (RSA).
Son versement prend fin à la fin du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive sur sa demande d’asile ou jusqu’à son transfert effectif dans un autre pays.
L’allocation pour demandeur d’asile est composée d’un montant forfaitaire journalier, dont le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer ( https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33314) . Dans le cas où aucun hébergement ne lui aura été proposé, il s’y ajoute un montant supplémentaire de 4,20 euros.
Autrement dit, en 2017, un demandeur d’asile percevra une aide de 6,80 euros par jour si l’état lui propose un hébergement (et 11,00 euros si l’état ne lui a pas trouvé de centre d’hébergement). Sur un mois de 30 jours, une personne seule à qui l’état n’a pas trouvé de place en centre d’hébergement touchera en tout et pour tout :
330 euros
Des mécanismes sont prévus pour éviter d’éventuels abus. En effet, l’aide peut être suspendue pour les raisons suivantes :
- Refus d’un d’hébergement proposé par les autorités ;
- Non-respect de l’obligation de se présenter aux autorités ou aux entretiens personnels ;
- Abandon sans motif légitime, du lieu d’hébergement ;
- Changement de situation entraînant un no-respect des conditions nécessaires pour percevoir l’allocation ;
- Présentation de documents falsifiés.
L’accès aux soins
Les accès aux soins, à une aide alimentaire et à un logement pour tout être humain ne sont pas des aides spécifiquement françaises. Ce sont des droits fondamentaux prévus par la convention de Genève, signée à l’unanimité en 1951 et adoptée par l’ensemble des pays membres des Nations Unies.
- Les soins d’urgences
En attendant de bénéficier de la protection sociale offerte aux demandeurs d’asile dans le cadre de la Couverture Maladie Universelle (CMU), des Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) sont situées dans les hôpitaux. Elles permettent aux futurs demandeurs d’asile d’être pris en charge par des médecins qui peuvent leur délivrer gratuitement des médicaments.
- La Couverture Maladie Universelle (CMU)
Les demandeurs d’asile qui souhaitent bénéficier de la couverture Complémentaire (CMU-C) peuvent en faire la demande en même temps qu’ils constituent leur dossier de demande d’affiliation à la CMU de base, ce qui leur assure une prise en charge complète des frais de santé. Toutefois, les droits à la CMU-C ne sont ouverts qu’un mois après l’enregistrement du dossier.
Autres aides financières (accès aux APL, RSA,…)
Il s’agit là encore d’une intox courante propagée par l’extrême droite : « les migrants peuvent toucher le RSA, les APL, ALS et ALF« .
D’une part, au-delà du cas spécifique des migrants, ces aides ne sont pas toutes cumulables entre elles. En effet, l’Aide Personnalisée au Logement (APL) n’est pas accessible aux personnes bénéficiant déjà de l’Allocation de Logement Sociale (ALS) ou de l’Allocation de Logement Familiale (ALF).
D’autre part, l’APL n’est accessible qu’aux personnes en situation régulière (citoyen français, étrangers ayant un titre de séjour ou réfugiés). Par définition, il ne peut en aucun cas s’agir de demandeurs d’asiles (puisqu’ils sont en attente de régularisation de leur statut), et encore moins de migrants n’ayant pas encore fait la démarche pour être demandeur d’asile…
Enfin, le demandeur d’asile, pour pouvoir percevoir la seule aide à laquelle il a droit (l’ADA, voir plus haut), doit résider là où l’état lui propose un hébergement (donc dans un des centres répartis sur le territoire).
Les réfugiés peuvent quant à eux prétendre à ces aides, dans le cas ou l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) accepte la demande. Un récépissé de 3 mois renouvelables portant la mention « reconnu réfugié », est délivré. En échange de ces droits, le réfugié doit suivre une formation civique et linguistique, puis passer un bilan de compétences professionnelles.
Pour le RSA
Un demandeur d’asile ne peut prétendre au RSA pour les mêmes raisons. Pour y prétendre, il faut :
- Avoir plus de 25 ans ;
- Etre en situation régulière (carte de séjour, apatrides, statut de réfugiés ou bénéficier de la protection subsidiaire) ;
- Vivre en France depuis plus de 5 ans (si la personne n’est ressortissante d’un pays hors Union Européenne) ou 3 mois si la personne est ressortissante d’un pays de l’Union Européenne (ce qui exclut les réfugiés récemment arrivés en France).
Au passage, un stagiaire (rémunéré ou pas), un étudiant, une personne en congé parental avec ou sans solde, ou en disponibilité, ne peuvent bénéficier du RSA…
Accès au marché du travail
Depuis la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, les demandeurs d’asile peuvent déposer une demande d’autorisation de travail lorsque l’OFPRA n’a pas rendu sa décision dans un délai de 9 mois. Dans ce cas, le demandeur d’asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail. Les réfugiés, eux, dès lors qu’ils ont leur récépissé, peuvent accéder au marché du travail de la même manière que les Français (mais ils ne pourront pas toucher le RSA avant 5 ans).
Education des enfants
L’accès au système d’éducation pour les familles des demandeurs d’asile est identique à celui réservé aux nationaux.
Conformément au Code de l’Education (article L. 111-2) « Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de la famille, concourt à son éducation« .
Le rôle des communes
Gratuité des transports en commun, de la cantine pour les enfants, inscription à une épicerie sociale : les collectivités locales peuvent aussi proposer des aides plus faciles à toucher pour les ressortissants étrangers. Ces aides sont en effet allouées à ceux qui habitent dans la commune ou dans l’agglomération et qui remplissent certaines conditions sociales (petits revenus, chômage, etc.).
Conclusion
Contrairement aux croyances et autres fantasmes, il n’y pas des dizaines d’aides différentes et cumulables versées aux migrants.
Les seules aides versées le sont en fonction du statut de la personne. Un migrant sans statut n’a aucun droit et un demandeur d’asile n’a pas accès aux mêmes aides qu’un réfugié. L’accès aux soins d’urgences, à l’éducation et au logement, sont des droits fondamentaux, inscrits dans la loi française et renforcés en partie par le droit européen, ainsi que par la convention de Genève. Les fameuses aides ne sont donc en aucun cas une spécificité française, très loin de là.
En conséquence, trouver anormal que des êtres humains aient accès à ces droits fondamentaux, revient à remettre en cause la déclaration des droits de l’homme et du citoyen…