8 novembre 2011
Depuis son origine le Politique est toujours ambigu. Voici maintenant vingt ans que le modèle du renard libre dans le poulailler libre domine la scène planétaire.
Mais les citoyens du monde sont plus conscients des risques qui en résultent qu’ils ne l’ont jamais été : même en Chine le pouvoir affronte chaque année des explosions de colère face à l’insupportable, à la fois socialement et écologiquement.
Nous sommes ainsi dans une contradiction croissante entre le Politique qui se fait et le Politique qui se souhaite. Se développent des acteurs civiques et sociaux, des forums réels et virtuels, de nouveaux outils de communication, de mobilisation, de pression qui éclairent une opinion publique mondiale en formation. Masi ils n’ont ni le pouvoir ni même la force d’imposer à ce dernier plus que des concessions réduites à des gesticulations médiatiques. Car les dirigeants du monde, du moins là ou existe une compétition démocratique pour le pouvoir, sont issus d’une sélection opposant des individus en concurrence et non des dynamiques collectives. Les partis politiques ne les choisissent pas mais ont bien été conquis et soumis par les candidats à la monarchie élective (et la France est plus ici caricature qu’exception). Ils sont dés lors menacés de réduction à l’état de formes exsangues, machines électorales et écuries abritant des aventures personnelles.
Peu importent ici les qualités, les défauts et les profils des protagonistes. L’enthousiasme planétaire provoqué par l’élection de Barack Obama, dont le prix Nobel incongru résonne comme un écho devenu incompréhensible, n’a empêché ni l’enlisement afghan, ni l’impuissance en Palestine, ni l’échec de Copenhague. Le charisme, même lorsqu’il exprime aussi la vérité d’un homme, ne peut durablement masquer la crise des acteurs politiques collectifs.
Les enjeux mondiaux s’aiguisent : accélération du changement climatique, montée planétaire du chômage et de la précarité concurrentielle, retour de la concurrence « impérialiste » entre puissances majeures d’un monde devenu multipolaire. Et l’impuissance des politiques s’étale à toutes les échelles territoriales : de Copenhague à Kaboul en passant par Bruxelles, les logiques de compétition et de domination étouffent les dynamiques de coopération et de solidarité.
Or ce qui est en jeu, ce n’est pas l’avenir « soutenable » de l’humanité mais aussi de l’effectivité démocratique et la garantie de libertés réelles dans nos « sociétés d’individus » compétitives. Car les crises que nous affrontons sont certes financières, économiques, sociales et écologiques, mais aussi et même d’abord politiques au sens le plus profond de ce mot.
Si les nouveaux acteurs civiques et sociaux, du local au planétaire, ne parviennent pas à inventer des formes renouvelées de mobilisations politique durables, si le refus (parfaitement légitime) de l’encadrement aliénant continue à rabattre l’engagement fort sur la seuls désobéissance individuelle et sur les solidarités fluides voire éphémères, alors les rassemblements de chefs d’Etat et de gouvernement continueront à alimenter la scène médiatique…et le rejet du Politique, vu comme une machine à produire slogans creux et boniments insaisissables.
Les sociétés d’individus sont une réalité de plus en plus planétaire, irréversible à vue humaine si l’on voit plus loin que les convulsions régressives de type traditionnaliste ou fondamentaliste : le retour des formes anciennes de contrôle social est à peu prés aussi probable que la résurrection du califat fantasmé par Al Qaïda. Et la marchandisation compétitive exacerbe partout les tensions porteuse d’une potentielle « guerre de tous contre tous ».
Mais en même temps l’interdépendance mondiale augmente sans cesse : les technosciences, en particuliers les technologies de l’information et de la communication, non seulement lient nos destins mais stimulent aussi notre prise de conscience de ces liens.
C’est cette prise de conscience qui doit accoucher, sauf à accepter un avenir de soumission anesthésiée aux autorités de surveillance globalisée, d’un renouveau indispensable : le rejet du Politique est plus que jamais mortifère, car sans Politique les individus ne peuvent faire société. Nous en avons besoin à l’échelle du monde et singulièrement à l’échelle de l’Union Européenne. Et nos attentes n’en sont que plus fortes quant à la nécessité d’une parole claire et crédible à ces niveaux.
Mais commençons par balayer devant notre porte.